Ad litem
Divorce.
Dieu que ce mot est laid.
Je n'aime ni sa sonorité, ni sa forme, ni bien entendu ce qu'il représente. A dire vrai, je n'aurais jamais pensé tenir ce genre de discours. Ne serait-ce que parce que la probabilité que je sois un jour marié me paraissait bien mince.
Non pas que je n'aime pas le concept de mariage, mais tout simplement parce que ce qui me semble fort et beau dans le mariage est justement ce qui m'échappe.
Je m'explique : à mon sens, ce qui est particulièrement magnifique dans le mariage, c'est de croire, avoir la prétention (ou l'inconscience suivant comment on voit les choses) et d'oser jurer devant ce en quoi l'on croit que l'on va tout faire pour aimer l'autre et faire en sorte que cela puisse durer, bon gré mal gré.
Prendre à témoin en quelque sorte non seulement les hommes mais aussi une puissance supérieure, puissante et mystérieuse, ce qui suppose non seulement la foi en ses propres sentiments, mais aussi en l'autre, et plus que tout en un Dieu, quel que soit le nom que l'on veuille lui donner.
C'est cette dernière partie qui m'a toujours fait tiquer, me disant que sans elle point n'est besoin de faire de mariage, la plus belle preuve des deux premières convictions ne l'exigeant pas, et pouvant tout aussi bien se démontrer de bien de façon, entre autres par la fidélité, la cohabitation, la naissance d'enfants notamment.
Bref, tout ça pour dire qu'il me paraissait peu certain de me marier un jour, et que pour que ce soit le cas il faudrait bel et bien que je sois convaincu d'avoir en face de moi celle que je cherchais depuis toujours, celle qui me donnerait l'impression de la connaître depuis toujours, celle dont je trouverais chaque différence comme une merveilleuse surprise, celle qui me ferait chavirer à chaque fois, celle que je pourrais considérer réellement comme un véritable alter ego, que je respecterais tout aussi bien sur le plan moral qu'intellectuel, celle qui saurait me tenir tête à juste titre, celle à qui je n'aurais pas peur de montrer et d'avouer mes faiblesses et mes peurs, celle qui me donnerait envie et suffisament confiance dans l'avenir pour faire des enfants, celle avec qui je voudrais vieillir, celle vers qui irait ma première pensée en m'éveillant le matin et vers qui irait ma dernière pensée en fermant les yeux le soir, celle que j'aimerai plus que moi-même et dont le bonheur passerait avant le mien.
Et je l'ai cru.
Vraiment.
Profondément.
Intimement.
Mais quoi qu'il en soit, ça me paraissait du coup assez difficile pour ne l'envisager que comme une hypothèse plus que comme une probabilité. Alors penser à ce qui pourrait bien arriver ensuite ne m'effleurait même pas, sans compter que dans le seul scénario où je pourrais me retrouver marié la conviction serait telle, et celle de l'autre aussi d'ailleurs, qu'elle nous préserverait d'un tel désastre. Je n'y pensais même pas, pas une seconde, et encore moins sérieusement.
Seulement voilà, la vie nous rattrape parfois, et les choses nous arrivent comme dans un rêve et se dénouent tout aussi vite sans que l'on sache bien comment et pourquoi.
Pourtant je n'ai pas de regrets, ni de remords.
Bien sûr, comme n'importe qui j'ai commis des erreurs, des tas d'erreurs à vrai dire, mais je ne peux pas m'empêcher de croire que ce n'est pas ça qui fait la décision au bout du compte.
Sans doute parce que j'ai le sentiment d'avoir fait, sinon l'impossible, tout au moins tout ce que je pouvais, tout ce qui était en mon pouvoir.
Seulement parfois cela ne suffit pas, parfois ce n'est pas assez.
J'imagine qu'il y a beaucoup de raisons à ce qui s'est passé, à comment les choses se sont déroulées, enchaînées les unes aux autres inéxorablement, mais à bien y réfléchir même après tout ce temps il n'y en a jamais que deux qui comptent à ce qu'il me semble.
Seulement deux.
Mais deux de trop.
Deux, mais insurmontables.
Deux choses que l'on voulait de moi, mais que je ne pouvais donner. Et que de toute façon je ne savais même pas que c'était ce que l'on pouvait attendre de moi. Et que je ne savais même pas que ces choses je ne pouvais les donner.
Seulement deux.
Mais deux choses que je n'ai pas compris.
Mais deux choses que j'ignorais.
C'est peut être pour ça que ça me paraît ridicule de divorcer. Mais d'un autre côté, au vu de la situation actuelle, vu que mon mariage n'est plus qu'un décor de carton-pâte, plus qu'un souvenir lointain, et n'existe plus réellement, vu qu'il n'y a plus de place pour aucun dans la vie de l'autre, ni aucune raison de croire ou de se battre encore, ça me paraît plus ridicule encore de rester marié.
Je l'ai déjà dit, je ne suis guère du genre à me résigner facilement, ou à me rendre sans combattre et à déposer les armes rapidement, mais un jour ou l'autre il faut bien savoir aussi se rendre à l'évidence et savoir quand on est vaincu.
On devrait toujours le savoir.
Ps : Histoire de rassurer certains (et certaines) sur ma santé mentale et sur mon état d'esprit, même si je ne publie cet article que maintenant, en y ajoutant quand même au passage quelques corrections, je l'ai écrit il y a déjà quelques temps de cela...